Nomadisme étudiant : vers une fuite des cerveaux ?

28 Novembre 2013



La jeunesse mondialisée peut aujourd’hui étudier à l’étranger pour un coût moindre. Des études qui se transforment parfois en installation permanente. Analyse chiffrée d’une situation humaine aux Journées de l’Économie.


Le mur de Berlin, construit précipitamment, ne visait pas à empêcher les opposants de fuir la RDA socialiste. Son but principal était de retenir les jeunes diplômés qui espéraient trouver de meilleures opportunités de l’autre côté du rideau de fer. Une fuite des cerveaux que l’on observe aujourd’hui encore à une autre échelle. Dans le monde entier, et malgré la « crise », le nomadisme étudiant s’accélère. Et les techniques pour retenir ces jeunes pousses dans leur pays natal, plus discrètes, sont développées dans les pays concernés.

Les voyages forment la jeunesse

Les Journées de l’Économie (JECO) organisaient le jeudi 14 novembre un débat dans les bâtiments du Grand Lyon afin de comprendre les enjeux de ce nomadisme étudiant. Ce phénomène est accompagné par des programmes d’échanges comme le désormais célèbre Erasmus, et par le développement des transports. Les compagnies low cost comme Ryanair, fondé en 1985, ou Easy Jet, qui est apparu dix ans plus tard, démocratisent des voyages rapides à moindre coût. L’espace-temps s’en trouve réduit. Une économie morose contribue d‘autre part à pousser les étudiants à aller étudier à l’étranger et à découvrir de nouvelles potentialités.

Willy Brandt, maire de Berlin-Ouest de 1957 à 1966, affirmait qu’en quittant la RDA, les jeunes Allemands « votaient avec leurs pieds ». Émigrer est un choix qui prend en compte différents facteurs. Non, l’étudiant ne pensera pas avant tout à faire la fête en voyant se profiler une année d’Erasmus. D’après Jean-Christophe Dumond, chef de la division des relations internationales de l’OCDE, qui considère les étudiants en homo oeconomicus, ces derniers souhaiteront avant tout obtenir un diplôme leur permettant d’acquérir une nouvelle valeur sur le marché du travail. Dans tous les pays, une expérience internationale est très valorisée. Et les étudiants y sont réceptifs.

Des dispositifs, comme les MOOCS (Massive Open Online Course, Cours en ligne ouverts aux masses), qui se sont notamment développés en France depuis l’année passée, pourraient menacer la mobilité étudiante. Enseignants et étudiants, grâce à ce dispositif, communiquent uniquement par Internet. Mais, il s’agit au contraire d’un moyen de démocratiser l’accès au savoir. Dès lors, pour Didier Rayon, dirigeant du département Etudes & Recherches de Campus France, de telles initiatives pourraient permettre aux étudiants de s’ouvrir sur le monde.

Des stratégies nationales

Les pays qui souhaitent attirer des étudiants sont en conséquence mis en concurrence. Ces jeunes représentent un revenu conséquent pour leurs universités. Mais, surtout, ils seront des ambassadeurs de la nouvelle culture qu’ils ont découverte une fois de retour dans leur pays. Une enquête de Campus France montre ainsi que si 45 % des étudiants étrangers hésitaient avec une autre destination avant de partir en France, 91 % se sont par la suite déclarés satisfaits de leur séjour.

Et, le grand gagnant dans ces échanges semble se trouver à l’Est. D’après l’OCDE, en 2010, 49,9 % des jeunes qui étudient à l’étranger viennent du continent asiatique. La fuite des cerveaux ne se résume plus aujourd’hui à un axe nord-sud : il s’agit d’un phénomène plus complexe, et les pays du Nord sont eux aussi menacés de perdre leurs jeunes talents.


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Laurène Perrussel-Morin
Ex-correspondante du Journal International à Berlin puis à Istanbul. Etudiante à Sciences Po Lyon... En savoir plus sur cet auteur